Violences en Arakan

Sittwe, juin 2012. Photo Marchés d’Asie.

Souvent présentées comme des violences entre bouddhistes et musulmans, les violences qui ont démarré en mai 2012 sont en fait le résultat de multiples facteurs, politiques, historiques, constitutionnels. Il faut remonter dans le temps et tenter d’en voir tous les aspects et les facteurs et les acteurs.

Le contexte :
L’Arakan, petit royaume limitrophe avec le Bengladesh, est devenu birman en 1784. Depuis des siècles, des migrants s’installent sur le sol birman, certains amenés par un roi victorieux, d’autres manquant de terres au Bengladesh il y a des générations.
L’immigration a augmenté ces dernières années ; les migrants, sans papiers, ne peuvent pas circuler et dans certains villages, ils atteignent 98 % de la population, situation qui crée des tensions.

La loi sur la nationalité de 1982 :
Le gouvernement militaire, à partir de 1962, développa une politique ultranationaliste. Les groupes ethniques minoritaires prirent les armes pour des droits que le gouvernement ne leur accordait pas et contrôlaient une partie du territoire.
Le gouvernement rédigea en 1982 la loi sur la citoyenneté selon laquelle la nationalité Birmane n’était accordée qu’à certains groupes, présents sur le territoire avant la colonisation Britannique. Les autres devaient fournir des certificats sur plusieurs générations ; ceux qui ne pouvaient pas ou plus les fournir se retrouvèrent sans papiers et soumis à des tracasseries qui accentuaient leur précarité.

Sous le gouvernement militaire, l’armée passa de 180 000 à plus de 400 000 hommes et les dépenses militaires augmentèrent considérablement. Les exactions commises par l’armée sous Than Shwe ont fait partie du système : les soldats agissaient en toute impunité.
Selon la loi de 1982, les musulmans n’ont donc pas tous le même statut au regard de la loi birmane, certains ayant la nationalité birmane, d’autres non.

De nouvelles violences ont eu lieu en août 2017 à la suite de l’attaque par des rebelles de l’Armée du salut des Rohingya des postes-frontières. Il s’en est suivi une violente répression de l’armée birmane faisant plus de 1 000 morts selon l’ONU et menant au déplacement de centaines de milliers de personnes. Dans la ville de Sittwe, entre mai et juillet 2012, tous les musulmans sans nationalité birmane ont été déplacés dans un camp à la sortie de la ville, inaccessible aux étrangers. Les quartiers musulmans ont tous été rasés.

On estime le nombre des Bengalis à 1,33 millions, pour une population birmane de 53 millions environ (2017). 1,08 millions d’entre eux vivent en Arakan et seulement 40 000 d’entre eux ont la nationalité birmane.

Les violences commises par l’armée :
La constitution de 2008, écrite par des militaires, pour eux, préserve pour l’armée 4 des principaux ministères, dont celui de l’armée. 25 % des sièges des assemblées sont aussi réservés aux militaires.
Elle accorde une amnistie totale aux militaires pour toutes les exactions passées ou futures. Les violences commises ne font donc l’objet d’aucune poursuite. L’armée reste tout puissante dans le pays, à tous les niveaux. De ce fait, Aung San Suu Kyi n’a pas de marge de manoeuvre. Tant que la constitution ne sera pas modifiée, l’armée restera toute puissante et incontrôlable.

Enfin, la construction de la nation ne se fait pas autour de valeurs partagées, ce qui favorise la montée de l’extrémisme. La diversité ethnique et culturelle du pays ne fait pas partie des richesses du pays. A partir des attentats du 11 septembre et sur le terrain d’un pays longtemps fermé au monde extérieur et où le bouddhisme est devenu sous la junte, « valeur » de la nation, des moines extrêmistes ont pris la parole, comme U Wirathu et appelé à la violence.