Une unité difficile

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Détail

Détail d’un tissage Kachin. © C. Dutilleul

Pour comprendre la Birmanie d’aujourd’hui, il faut différencier la plaine centrale, majoritairement birmane, et les régions frontalières, peuplées par des groupes ethniques qui, longtemps, ont revendiqué autonomie et reconnaissance de leurs droits.

La Birmanie est composée officiellement de 135 groupes. Beaucoup, se sentant floués à l’indépendance par une constitution qui ne reprenait pas les accords négociés à la conférence de Panglong, entrèrent en rébellion. Ne Win prit ensuite le pouvoir et mit en place l’unification du pays par la force.

Le gouvernement rédigea en 1982 la loi sur la citoyenneté selon laquelle la nationalité Birmane n’était accordée qu’à certains groupes, présents sur le territoire avant la colonisation Britannique. Les autres devaient fournir des certificats sur plusieurs générations ; ceux qui ne pouvaient pas les fournir se retrouvèrent sans papiers et soumis à des tracasseries qui accentuaient leur précarité.

Than Shwe succéda à Ne Win en 1988. De 180 000, l’armée passa à plus de 400 000 hommes et les dépenses militaires augmentèrent considérablement. Les exactions commises par l’armée sous Than Shwe ont fait partie du système : les soldats agissaient en toute impunité. L’armée birmane se lança dans la lutte contre la rébellion des groupes ethniques avec des conséquences catastrophiques sur la population civile. Dans les régions frontalières en particulier, il devint difficile voire impossible pour les villageois de cultiver, ce qui fit fuir les populations, vers la Thaïlande en particulier.
Les armées rebelles durent faire face à une armée birmane équipée grâce à des commandes d’armes à la Chine, pays qui n’avait pas de sanctions économiques envers la Birmanie, contrairement aux Etats-Unis et à l’Europe. En plus des prélèvements de l’armée birmane (travail forcé, nourriture et fonds), les villages durent aussi fournir soldats, nourriture et impôt aux armées ethniques. Des enfants furent recrutés. 

Avec l’objectif de remettre la main sur les territoires frontaliers le gouvernement se rapprocha des mouvements rebelles à partir de 1990, pour négocier des accords de cessez-le-feu. Des accords furent conclus avec 19 groupes ethniques, reposaient sur des avantages commerciaux d’autant plus intéressants que le cessez le feu était conclu rapidement. Les Wa, les premiers à négocier, purent garder leurs armes et leur armée, poursuivre la production et la commercialisation de l’opium et des amphétamines. Les conditions furent ensuite moins « avantageuses », mais la plupart des groupes gardèrent leurs armes et eurent le droit de prélever des taxes ou d’exploiter des ressources naturelles : d’une part ces groupes gardaient des armées puissantes, d’autre part ces accords les poussèrent à surexploiter les ressources pour faire rentrer des devises.

D’autres accords montraient la volonté du gouvernement de diviser pour mieux régner : les Karen bouddhistes (BDKA) qui signèrent plus tard, purent garder leurs armes et continuer à taxer les marchandises importées, en échange de quoi ils devaient soutenir l’armée birmane contre les Karen christianisés. Entre 1996 et 2011, la pression sur les groupes ethniques s’intensifia de nouveau : plus de 3 700 villages dans l’Est du pays furent détruits par l’armée birmane et plus d’un million de personnes déplacées.

En 2017 doit se tenir une seconde « Conférence de Panglong » avec pour objectif de parvenir à un cessez-le-feu national.

To understand Burma today, it is necessary to understand the difference between the Central Plain, mostly Burmese, and the border areas where live ethnic groups that have long claimed autonomy and recognition of their rights. Burma has officially 135 groups. Many, feeling cheated at the time of independence by a constitution that did not include the agreements negotiated at the Panglong conference, entered into rebellion. Ne Win then took power and put in place the unification of the country by force.

The government drafted in 1982 the citizenship law; Burmese nationality was granted only to certain groups present in the territory before the British colonization. The others had to provide certificates over several generations; those who could not provide them found themselves undocumented and subjected to hassles that accentuated their precariousness.

Than Shwe succeeded Ne Win in 1988. From 180,000, the army grew to more than 400,000 men and military spending increased considerably. The abuses committed by the army under Than Shwe were part of the system: the soldiers acted with impunity.  The Burmese army embarked on the struggle against the rebellion of ethnic groups with catastrophic consequences for the civilian population.
In the border areas especially, it became difficult or impossible for the villagers to cultivate, causing people to flee, to Thailand .The rebel armies had to face a Burmese army equipped with arms coming from China, a country that had no economic sanctions against Burma, unlike the United States and Europe.
In addition to the withdrawals from the Burmese army (forced labour, food and funds), the villagers also had to provide soldiers, food and taxes to the ethnic armies. Children were recruited. 
With the objective of getting back to the border territories the government approached the rebel movements from 1990, to negotiate ceasefire agreements. Agreements were reached with 19 ethnic groups, based on commercial advantages all the more interesting as the ceasefire was concluded quickly. The Wa, the first to negotiate, were able to keep their weapons and army, continue the production and marketing of opium and amphetamines. The conditions were then less «advantageous», but most groups kept their weapons and had the right to levy taxes or exploit natural resources: on the one hand these groups kept powerful armies, on the other hand, these agreements pushed them to over-exploit resources to bring in foreign exchange.

Other agreements showed the government’s desire to divide and conquer: the Buddhist Karen (BDKA) who later signed, were able to keep their weapons and continue to tax imported goods, in exchange for what they had to support the Burmese army against the Christianized Karen. Between 1996 and 2011, the pressure on ethnic groups intensified again: more than 3,700 villages in the eastern part of the country were destroyed by the Burmese army and more than one million displaced people.