La période actuelle

 

Après les élections...

Après les élections… Photo Marchés d’Asie.

 

 

Une « démocratie à la Birmane »

Le 15 août 2007, le gouvernement annonça la suppression des subventions publiques sur le fuel menant à une forte augmentation des prix à la pompe. Le gallon d’essence ( 3,78 litres) passa de 1 500 à 3 000 Kyats (3 € ) et le gaz de 500 à 2 500 Kyats la bonbonne de 17 gallons (soit 2,5 € pour 64,35 litres), menant à la hausse des prix du transport (le ticket pour le train autour de Rangoon est passé de 10 à 100 Kyats pour les Birmans), puis, dans un effet de « boule de neige », de tous les prix. L’électricité passa de 2,50 à 25 Kyats / KW. Le mécontentement aboutit aux manifestations des moines à Pakokku le 5 septembre, puis partout dans le pays, suivies de la répression. 5 généraux et 400 soldats furent arrêtés pour avoir refusé de tirer sur les moines. Thein Sein devient Premier ministre.

Une semaine avant le référendum, le 3 mai 2008, s’abattit le cyclone Nargis sur le delta de l’Irrawaddy faisant, selon les Nations-Unies, 140 000 victimes et 2.4 millions de sans-abris. Dans un premier temps, la zone fut bouclée, interdite d’accès même aux birmans et l’aide internationale refusée avant d’être acceptée par le biais de l’ASEAN, hors de toute présence occidentale. Une semaine plus tard, le referendum qui approuva le projet de constitution à 92,48 % (Une semaine plus tard pour la zone dévastée, avec le même pourcentage). Un an plus tard furent organisées les élections prévoyant de transmettre le pouvoir à un gouvernement civil.

Pour beaucoup de birmans, l’organisation d’élections, assimilée à la démocratie, était une occasion à saisir. 37 partis prirent part aux élections, 5 avaient été exclus du scrutin dont la LND, dissoute en septembre 2010. De nombreuses irrégularités furent observées : l’enregistrement des candidats non issus de l’USDP, le parti créé par la junte, était coûteux et difficile. Les candidats ne devaient pas « ternir l’image du régime » pour se conformer au règlement de la commission électorale. Dans les mois précédant les élections, un grand nombre de  militaires démissionna pour pouvoir se présenter aux élections comme civils.

Le 7 novembre 2010, les Birmans élurent les représentants aux 2 chambres et à l’assemblée de la Division ou de l’État. Le Parti de la solidarité et du développement de l’union (USDP), créé par la junte, et le Parti de l’unité nationale (NUP), proches des militaires, réunissaient les 2/3 des candidats et remportèrent la majorité. La chambre basse, élue pour cinq ans s’est réunie fin 2010, puis la chambre haute avant le Congrès marquant l’entrée en vigueur de la Constitution de 2008. Dès sa mise en place, le gouvernement et les médias internationaux communiquèrent sur quelques mesures positives prises par le gouvernement. Le pays reprit une place dans la communauté internationale.

Quelles sont ces mesures ?

Lors de son discours d’investiture, le Président Thein Sein fit de la pauvreté la priorité du gouvernement et constitua un Conseil consultatif. Dès septembre 2010 fut organisé un forum économique auquel participait Aung  San Suu Kyi et U Myint, économiste travaillant sur la pauvreté. En août 2011 eut lieu une augmentation des retraites des fonctionnaires touchant moins de 110 000 Ks/ an (soit moins de 9 € par mois ). Dans le but de limiter la corruption, un supplément de salaire de 30 000 Kyats pour tous les fonctionnaires fut versé (30 euros).

En octobre 2011, près de 6 000 prisonniers furent libérés. Parmi eux, Zarganar, comédien opposant au régime et Sao Hso Ten, leader politique Shan condamné à 106 ans de prison. D’autres libérations suivirent en janvier 2012, dont, Min Ko Naing et Ko Ko Gyi, leaders des manifestations de 1988.

L’accès à l’information s’est amélioré. Les birmans reçoivent et regardent les télévisions d’opposition, comme la DVB (Democratic Voice of Burma). La censure s’assouplit avant de disparaitre.

Concernant l’intégration des groupes ethniques, le gouvernement central demanda que tous rendent les armes et que leur armée rejoigne la force des frontières dirigée par des Birmans. Des négociations ont bien eu lieu mais parfois sans succès. En juin 2011, les combats reprirent dans l’État Kachin faisant fuir les civils.

Dans l’État Karen, un accord de cessez-le-feu a été conclu entre le Klo Htoo Baw (anciennement DBKA : Karen bouddhistes) le 3 Novembre 2011. Le 28 septembre des discussions entre les dirigeants de la Karen National Union (KNU) et le Colonel Aung Lwin, Ministre de la Sécurité et des frontières ont abouti le 12 janvier 2012 à un accord précaire permettant au gouvernement d’engager la mise en place de la zone industrielle de Hpa-an. Dans l’État Shan, les combats entre la SSA (Shan state Army) et la Tatmadaw ont repris le 13 mars 2011 après 22 ans de cessez- le-feu, menant à l’augmentation de la culture du pavot.
En mars 2013, les soldats Palaung rejoignaient à Namsan l’armée Kachin qui affrontaient l’armée du gouvernement. Dans l‘Arakan éclataient des violences entre communautés musulmanes et bouddhistes, sans que la situation ne soit redevenue normale un an après. D’autres violences éclataient à Meiktila entre musulmans et bouddhistes, puis à Bago.
En 2014, les combats reprenaient dans l’état Shan.

Et les droits de l’Homme ?
En mars 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies a examiné la situation en Birmanie. M. Quintana, Rapporteur spécial sur la question, confirma les allégations de travail forcé, exécutions extrajudiciaires, violences sexuelles, arrestations arbitraires, privations des droits économiques, sociaux et culturels, et demanda une enquête internationale. Malgré le démenti de Thant Kyaw, représentant la Birmanie, le rapport estimait que plusieurs millions de personnes avaient fui la Birmanie (Source : Nations Unies, Genève, mars 2011).
Sur 711 plaintes reçues au BIT à Rangoon entre 2006 et 2010, 243 concernaient le recrutement par l’armée et 157 personnes seulement avaient été rendues à leur famille (en 2010, 468 plaintes ont été reçues au bureau de liaison du Bureau International du Travail à Rangoon et 243 plaintes les trois dernières années. Source Nations Unies, Genève, mars 2011).

Bonne volonté ou geste trompeur, le 5 septembre 2011 fut créé la MNHRC (Myanmar National Human Rights Commission) Commission nationale birmane pour les droits de l’Homme, composée de 15 membres dont des généraux, des avocats, des diplomates. Une réforme de l’accès au foncier est en cours, dont l’enjeu est primordial, par l’accès aux ressources naturelles et le maintien des paysans sur leurs terres, dans un pays où l’agriculture occupe encore 70 % de la population.

Les expropriations se poursuivent dans toutes les zones des projets (ports à Rangoon, et Dawei, pipeline et gazoduc sur tout le tracé entre l’Arakan et la Chine, zones industrielles à Hpa Han, Dawei, zone des barrages hydroélectriques…. Jusqu’en 2016, la loi protège de fait les hommes d’affaires et l’extension des gros projets, comme le montrent les expropriations récentes. Pour exemple : la société Zaykabar (propriété de Khin Shwe qui a acquis en 2010, 338 hectares à 71 ménages, dans le district de Mingaladon. Les fermiers expropriés s’apprêtent à poursuivre devant les tribunaux la société. La loi « Act of Nationalisation of Farmlands » (1953), interdit aux civils de vendre les terres cultivables, tout comme, la loi “Law of Rental Lands for Cultivation » (1963) ; Zaykabar dit pourtant suivre les ordres du ministère (Source : http://www.mmtimes.com/2012/news/617/news61711.html, By Noe Noe Aung, Volume 31, No. 616, 27 février / 4 mars 2012).